Comment être premier et dernier à la fois ? Et bien c'est ce qui m'est arrivé en devenant assistant-réalisateur de Jacques Rouxel, après avoir d'abord œuvré pour lui comme infographiste-animateur 2D et chef-décorateur. Il en fallait un, et c'est tombé sur moi.
L'idée que Jacques soit parti définitivement me semble bien saugrenue, puisque ses mots et des souvenirs liés à son imaginaire m'accompagnent tous les jours dans ma réflexion, mes écrits et mes réalisations.
Cette photo, ci-dessus, je l'ai prise à l'occasion de l'inauguration de la fête de la Cour des Shadoks. Ce jour-là, Jacques portait une chemise rose parce que c'était l'été, et qu'il aimait le rose. Il aimait aussi beaucoup le violet, ainsi que le rouge. D'ailleurs, c'eut été l'hiver, qu'i eût porté un pull vermillon, et/ou au minimum une écharpe du même ton.
Voilà. C'est pas la couleur que l'envie de vous confier des anecdotes, des souvenirs, des tranches de vie de productions comprises entre 1995 et 2003. En bref, du vécu.
Ayant moi-même échappé de près à la bougrinette, ma motivation est de partager avec un large public de professionnels et d'amateurs, un témoignage qui préserve sa mémoire avant que les souvenirs ne s'effacent, et que mémoire ne flanche.
Grâce à Jacques Rouxel, j'ai vécu une période professionnelle remarquable, et eu le bonheur de rencontrer des personnes talentueuses et épatantes. Toutes à leur manière ont contribué également à son oeuvre : Robert Cohen-Solal, Claude Piéplu, Michelle Péju, Laurent Bounoure, Babette Vimenet… Les ainés et aînesses en somme, dont beaucoup ont œuvré à la reprise de service en grande pompe des bestioles en 1999: Jean-Pierre Tardivel, Lionel, Marc, Claude… (et plein d'autres encore.)
Là, je cite les musiciens et le chef d'orchestre auteur-compositeur, seulement que serait un tel orchestre sans une production adéquate ? Pas grand-chose en somme, et c'est là qu'interviennent les personnes qui , artistes à leur manière, œuvrent dans l'ombre, et qu'il convient de mettre en lumière pour leur rôle indissociable à toute initiative artistique. C'est Marcelle Ponti-Rouxel, la femme de Jacques. Une des rares femmes à avoir fait de la production et à se risquer sur des films "bizarre" et expérimentaux comme ceux de Piotr Kamler, Bogdan Borkowski, sans oublier les premiers films de Michel Ocelot.
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La couleur donc, en animation est la responsabilité du chef-décorateur. C'est le poste qui m'a été confié en décembre 1998 sur la quatrième saison des Shadoks et Le Big Blank, et pour la suite. Ce n'est pas le point de départ de notre rencontre. Il y a eu un avant, mais vous l'aurez après.
Non, vraiment vous insistez ?
Bon, alors d'accord. En fait, ma première rencontre avec Jacques ce fut à L'INA pour faire des pubs pour Belin avec les Shadoks avec mes collègues Jean-Luc François et Yann Le pon. Notre job est de reprendre l'anim papier à l'ordinateur et d'assurer le compositing. Jacques était avec nous, à l'aise, assez timide même, très prévenant et respectueux de notre travail. Curieux aussi, car il s'intéressait beaucoup à la chose informatique.